Nelly X Adjatay

"Ils ne savaient pas que c était impossible, alors ils l’ont fait"
citation de  Mark Twain qui résume parfaitement l'histoire de ma vie.


Fiche Signalétique Mère

Nom et Prénom : Nelly Mbonou
Age : 33 ans
Métier : Styliste et Créatrice chez June Shop
Situation Familiale : En couple version famille recomposée depuis bientôt 2 ans
Personnalité : Vrai "bélier"! En gros tête très dure . Tendances à la mauvaise fois avec option reconnait ses torts relativement rapidement!
Défauts : Impulsive. Parfois colérique (on va s’arrêter là)
Qualités : Pense avoir du cœur. Généreuse .     Persévérante. Travailleuse. Battante. Courageuse. Increvable.
Autres spécificités : Née au Cameroun dans une famille de garçons (3 frères). A grandi entre la France et le Cameroun. Parisienne depuis maintenant 13 ans.
Fiche Signalétique Fils

Nom : Adjatay
Age : 6 ans 1/2,
Métier : Elève au CP.
Signe particulier : GPS ambulant car passion pour les transports en commun, métro, RER et autres bus.
Défauts : Impatience. Manque de persévérance. Hyper sensibilité qui peut lui jouer des tours.
Qualités : Curieux de tout. Intelligent (un peu de partialité). Affectueux. Créatif. Expressif. Doux.  Bref « gentil garçon ».
Autres spécificités : Métisse Franco/ Allemand / Camerounais







J’ai débuté mon activité en 2001 avec une amie, j’étais alors  encore étudiante en philosophie,  le nom de mon enseigne est d'ailleurs la contraction de nos deux prénoms : Julie et Nelly. Le concept du June Shop est de mettre au goût du jour l’Ethno-Chic en offrant une gamme complète de prêt-à-porter pour toutes les fashionistas et toutes les silhouettes. Les vêtements sont réalisés à partir de tissus wax made in Cameroun, imprimés de coton aux motifs imagés et expressifs et aux couleurs chatoyantes. Le petit truc en plus qui fait toute la différence!!! Bien loin du boubou traditionnel de nos mamans j’ai voulu que ma marque développe  une vision unique de la mode où esthétique africaine et occidentale communiquent harmonieusement entre authenticité et modernité. Au fil des collections, j’essaie de créer des pièces à la fois vibrantes, colorées, uniques et ludiques, toujours au plus près des tendances. Une certaine idée du chic parisien…

JUNE est une gamme de prêt-à-porter féminin qui mélange wax (tissus colorés africains), coupes créatives et mode. C’est ce que j’appelle ma « Melting Mode ». Je réinterprète le folklore ethnique mais dans un cadre urbain pour démocratiser les étoffes de mon continent d’origine en sublimant leur richesse et leur diversité. Mon combat, dépasser les barrières culturelles et les codes de la mode pour des créations accessibles au plus grand nombre. Pour moi c’est une certaine idée du chic parisien, plus proche de ce qu’est la population française aujourd’hui.

J’ai commencé en créant des sacs de plage en wax. C’était le plus simple pour moi car, étant complètement autodidacte, je n’avais aucune formation en couture!  Au fur et à mesure, j’ai complexifié les coupes et multiplié les modèles. Je livre aujourd’hui à 2 collections complètes par an, printemps-été et automne-hiver. Je fais des séries de pièces uniques, du 34 au 50 pour satisfaire à tous les critères de beauté! Le même modèle est décliné en 15 pièces dans 15 tissus différents. Elles mixent tissus d’ici et d’ailleurs comme le bazin, le bogolan, le wax, le velours, le jeans, la soie sauvage, le vichy, le polaire ou encore le tweed  pour toutes les femmes. 


J’ai ouvert ma première boutique en 2006 à Paris dans le 18ème. Je me suis lancée car je ne trouvais pas de vêtements qui alliaient mon amour pour la mode et l’Afrique, donc j’ai décidé de les faire moi-même en commençant par vendre ça à des amies, puis aux amies de mes amies, etc. Le contexte n’était pas facile car le monde de la mode avait beaucoup de clichés sur l’Afrique, mais disons que j’ai décidé de passer par d’autres chemins en m’adressant directement au public plutôt qu’aux professionnels qui avaient souvent une vision trop ethno-centrée de mon travail.  
Mais j’ai réussi mon pari, car en 2008 j’ai gagné le concours VLISCO Jeunes Créateurs avant de continuer l'aventure en solo…

J’estime qu’on devrait insister sur la notion d’"équité" qui manque cruellement en ce monde. Je me revendique du commerce équitable, car je travaille avec un atelier où je paie les ouvriers décemment. Je ne cherche pas à tirer les salaires vers le bas sous prétexte que la production se fait dans le tiers monde. Les artisans gagnent ainsi plus que ce qu’ils gagneraient en travaillant pour une entreprise camerounaise et moi j’y trouve mon compte, car je ne pourrais pas payer des ouvriers en France au vu des charges. Toutes les matières premières utilisées sont aussi 100% made in Cameroun, les tissus sont produits par une entreprise locale avec du coton récolté et transformé dans le pays. Il est pour moi très important de développer l’activité économique là bas, même à ma petite échelle, et de ne pas me contenter d’exporter et de profiter de la culture. 
C’est ma conception de l’équité et c’est le genre de valeur que je souhaite transmettre à  mon fils. On ne sera jamais tous égaux, et je ne pense pas que ce soit souhaitable. J’essaie juste de faire comprendre à Adjatay qu’il y aura toujours quelqu’un de plus fort que lui, de plus beau, de plus intelligent, de plus riche, mais également de moins fort, beau, etc.… Que c’est comme ça que le monde s’équilibre, et que sachant ça, c’est à chacun d’avancer avec le plus de justice possible sans marcher sur la tête des autres pour réussir. Tout ça peut sembler un peu utopique mais c’est une valeur éducative à laquelle je tiens. Avec l’entrée au CP, Adja est en plein dans ces questionnements car il doit trouver sa place et forcément il fonctionne par comparaison. C’est donc pour moi, l’âge idéal pour lui parler de tout ça. Il le comprend même si ça reste un enfant, donc par définition, tourné vers son plaisir immédiat, il est capable d’intégrer ce type de notion.


Adjatay est arrivé en 2005, j'ai donc débuté 4 ans avant sa naissance mais je travaillais  à mi-temps à côté. Une fois enceinte, il a fallu choisir entre tenter ma chance dans la mode ou reprendre mon poste dans l’agence photo où j'étais à plein temps. J’ai donc décidé de me lancer et de me mettre à 100% à la création. J’ai profité de mon congé maternité pour me faire suivre par un cabinet de management, monter ma société, trouver mes fournisseurs et ma boutique.



Quand il est né, j’ai vraiment eu la chance d’avoir un bébé bouddha à la maison et d’avoir tout de suite une place en crèche! Adja était calme, s’adaptait  à tout et n’était  pas du tout farouche temps qu’il avait sa dose de lait, de câlins et la couche propre ! Je l’entraînais partout avec moi sans aucun souci, même lors de certains RDV professionnels quand je ne pouvais pas le faire garder. A cette époque de ma vie, il s’est clairement adapté à mon rythme mais tout  ça s’est fait  instinctivement. Je pense que comme il est né dedans, c’était naturel pour lui. Dès qu’il a eu 1 an, je l’ai emmené avec moi en voyage et là encore ça s’est très bien passé. Et depuis, il m’accompagne dans chacune de mes escapades. A son entrée en crèche, j’ai été épaulée par mon frère qui ne travaillait pas à l’époque,  et qui m’aidait les soirs où je devais m’absenter. Avec l’aide de sa grand-mère en plus, je n’ai pas vraiment eu de problème pour concilier les 2.





Je sais que je n’ai pas adopté un mode éducatif traditionnel pour mon fils, mais je pars du principe très simple qu’une mère épanouie fait un enfant heureux… L’inverse étant aussi vrai ! Aujourd’hui, avec le début du cycle primaire, c’est moi qui ai dû m’adapter. J’ai fermé la boutique car j’avais des horaires et un rythme de vie incompatibles avec l’école. J’ai transformé mon domicile en atelier et je reçois désormais à domicile sur RDV privé du lundi au samedi. J’ai également développé la vente en ligne, la distribution et le service de sur-mesure. Bref, j’ai dû revoir tout mon mode de fonctionnement afin de pouvoir accompagner l’évolution d’Adjatay sans le pénaliser malgré mes choix de vie. Aujourd’hui en m’organisant bien, je peux l’amener à l’école, aller le chercher, vérifier ses devoirs. Je parviens même une fois par trimestre à l’accompagner lors d’une sortie scolaire. Bref j’arrive à lui assurer un rythme normal de petit garçon de son âge.


Comme beaucoup de mères, je crois que la maternité a développé chez moi des qualités que j’avais déjà en puissance. Elle m’a appris ce qu’est l’Amour vrai, celui qui n’est ni narcissique ni intéressé. Celui qui nous lie à nos proches mais aussi à des inconnus, qui fait qu’on apprécie un rayon de soleil ou un bon repas et que chaque moment devient précieux. Devenir parent m’a ouvert au monde en me sortant de mes certitudes sur la vie et sur-moi-même, en mettant le doigt sur mes défauts et mes manquements. Très sincèrement, mon fils à fait de moi une meilleure personne, je l’élève mais il me fait grandir aussi.  

Adjatay,  signifie « prince » dans un des dialectes précoloniaux du nord du Cameroun. C’est son père  franco-allemand qui a trouvé ce prénom. C’est d’abord la sonorité qui nous a plu, mais aussi l’idée qu’il ait un nom qui rappelle une partie de ses origines, sachant qu’il allait grandir ici. Tout le monde l’appelle Adja et je le surnomme Tété ou Té, c’est un petit nom assez courant en Afrique chez les petits garçons, ou alors « Adjou », contraction de Adja et « chou ». Ou, toute autre petite appellation affectueuse qui me passe par la tête. On lui a donné nos deux noms de famille ainsi que celui de ma grand-mère. Pour le moment, il est très fier de porter tout ça, mais aussi de tout ce qu’il est, ce mélange de culture, car il se définit lui-même, comme métisse avant tout. Je pense que ses racines multiples m’ont amenées à communiquer sur la mixité et le métissage. Le slogan de June Shop c’est « Melting Mode » mais il fait plus référence à ma double culture. 

 




Car, je pense profondément que le métissage, comme toute forme d’identité d’ailleurs n’est pas une question de gènes mais d’appréhension du monde. J’ai atterri en France parce que mon père avait été muté pour son travail. J’ai fait la plus grande partie de mes études ici. Les parents sont retournés au Cameroun et j’ai pas mal navigué entre les 2 pays, développant une forme de « métissage ». Adjatay est issu d’une triple culture, il connait bien sûr la France mais également l’Allemagne et à chaque fois que je vais au Cameroun  je l’emmène avec moi pour qu’il garde un lien fort avec notre famille là-bas. Qu’il puisse savoir d’où lui viennent ses cheveux crépus et son nez épaté ! Même si je sais que pas mal de questions et de soucis identitaires risquent de surgir d’ici quelques années, pour le moment il est extrêmement fier de tout ça. Parfois,  il me dit même qu’il a plus de chance que moi parce qu’il a plus de maisons et de pays que moi ! Il possède quelques rudiments d’allemand. Nous lui parlons en français, qui est ma langue maternelle, même si je comprends plus ou moins bien le dialecte de mes parents, ils parlaient en français entre eux car ils sont issus de 2 ethnies différentes du Cameroun, et qui en plus n’ont rien à voir entre elles, encore un autre métissage !


C’est un enfant qui a du cœur et c’est vrai que ça me rend très fière! Je souhaite lui transmettre la persévérance, l’amour du travail bien fait, le respect des autres et de lui-même. J’aimerais qu’il hérite aussi de la générosité et du sens des responsabilités. Je voudrais également qu’il ne perde pas de vue qui il est et d’où il vient, qu’il soit fier de ce qu’il est dans la réussite comme dans l’échec…Tout un programme! Mais avec tout ça, je pense qu’il aura les armes suffisantes pour trouver sa place dans ce monde.

Adjatay n’arrive pas à intégrer les choses qu’il ne comprend pas, et là, je me reconnais bien en lui. Il n’est pas insolent ou indiscipliné mais il a besoin de savoir pourquoi il fait les choses et qu’on les lui explique sans le prendre pour un idiot. Les simples « parce que » ne fonctionnent pas. Il n’a pas peur de demander pourquoi, et j’espère que ce sera toujours ainsi. Il a aussi une très forte notion de l’intimité et ne se livre jamais en entier.


Entre son père qui travaille dans le domaine de l’image et du son et moi-même, l’artistique est par définition l’environnement quotidien et la normalité pour Adja. J’essaie de l’éveiller en l’amenant régulièrement à des expos ou au cinéma. Il dessine chaque jour depuis qu’il sait tenir un crayon. Ca lui permet à la fois de canaliser son énergie et de se défouler. Depuis 2 ans il crée des petits livres souvent sur les transports, qu’il monte tout seul. Et, il essaie de les vendre à mes clientes ! Ce week-end il a décidé qu’il fallait qu’il ait lui aussi une marque pour éditer et commercialiser ses bouquins. Il a choisi ENUJ (June à l’envers) avec pour logo le mien mais à l’envers (un zèbre inversé) ! Sinon malgré ses 2 pieds gauches, il est très musical, la musique ayant remplacé la TV à la maison.



Mon bon plan parent/enfant pour les franciliens est la Cité des Enfants. C’est un vrai lieu d’éveil avec des jeux et des expos intéressantes et intelligentes ! A la Villette il y a également le Jardin des Dunes et des Vents, gratuit et réservé exclusivement aux parents accompagnés d’enfants. C’est un lieu sécurisé par des vigiles. Quand il fait beau, les gamins peuvent se défouler sur de nombreux jeux avec des parcours adaptés en fonctions des âges de 0  12 ans, pendant que les adultes profitent tranquillement du soleil allongés sur des transats ! Enfin, pour approcher l’art de manière ludique, le Musée En Herbe est également très bien fait.

ADJATAY
Que fait ta maman comme métier ?
Ma maman est styliste. Quand ma maman reçoit des clients je leur propose des livres où des calendriers et c’est moi qui les fais. 

Quel métier veux-tu faire plus tard ?
Conducteur de bus et conducteur de métro et conducteur de TGV et conducteur de Thalys et conducteur d’avion et conducteur de tramway et conducteur de monorail et être vendeur de livres et de calendriers. Et j’ai fait ma propre marque, elle s’appelle Enuj . 

Qu’est ce que tu adores faire avec ta maman ?
Avec ma maman j’adore jouer avec elle dans toute ma vie.


Comment ça se passe à l'école?
Je préfère lire qu'écrire et je fais mes devoirs à l'étude.


Qu'as-tu fais lors de tes dernières vacances qui t'as le plus marqué?
Je suis allée au Musée de l'Air et de l'Espace et j'ai vu des Concorde et des Boeing.
On est aussi parti à Disney et on a fait la Maison Hantée et les manèges de bateaux.


MON ACTU
J'ai lancé en avril ma collection printemps-été 2012 "Macadam Tropical" avec une nouveauté, des accessoires, bijoux, sacs et ceintures!

J'organise également une vente privée June Shop Spécial Nouvelle Collection à l'Atelier JuneShop les 26 et 27 mai de 12h à 18h.
Cet évènement est exclusivement sur invitation à demander par mail à
invitation@juneshop.net ou au 06 61 10 78 21

Je compte également organiser très prochainement un défilé pour présenter tout ça, mais comme d’habitude je ne veux pas faire un défilé classique mais quelque chose de surprenant mêlant plusieurs formes d’art, donc beaucoup de travail en perspective mais c’est motivant !



Propos recueillis par Sadio Kya Koïté
Photo par Evingel

1 commentaire:

  1. cool, vraiment cool tite soeur je vois l'Afrique bien présente dans cet ultra métissage et comme tu le sais nos familles sont généralement nombreuses à quand les petits frères et soeurs de notre adja? lol!
    Biz à vous deux!

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